Ne vous est-il jamais arrivé au cours de votre existence de voir survenir un évènement externe en parfaite et troublante concordance avec une de vos perception ou intuition psychique ? Si tel est le cas, vous serez sans doute ravi d’apprendre qu’il s’agit là d’un phénomène de synchronicité. La définition de cette notion semble difficile à expliquer mais je vais tenter de vous en donner un abrégé compréhensible.

Tout d’abord, un peu d’histoire. La synchronicité est un concept, ou plutôt un phénomène observé puis étudié et théorisé par le psychanalyste suisse Carl Jung. Une anecdote raconte que lors d’une de leur entrevue, Jung et Freud se brouillèrent sur la question de l’importance que pouvaient revêtir les phénomènes parapsychologiques dans le cadre de leur science. Alors que Freud se mettait à dénigrer l’irrationalité de la démarche de Jung, un bruit de craquement se fit entendre dans la bibliothèque. Jung y vit un signe et eut le sentiment que le bruit allait se reproduire. Juste après, le bruit se fit en effet réentendre ce qui ne manqua pas de terrifier Freud. Ceci est justement un exemple de synchronicité.

Les phénomènes synchronistiques sont des sortes de parallèles temporels qui pourtant en viennent à se croiser dans l’infini du temps (tout comme des parallèles peuvent se croiser dans l’infini d’une structure sphérique à la manière qu’ont les méridiens de se rencontrer aux pôles). Ces « curieuses coïncidences » se manifestent surtout lors de piques intensives pouvant affecter psychisme et matière (comme un décès, un mariage, une tempête, un profond changement interne, etc), lors de moments clefs ou d’étapes décisives. Dans tous les cas, le phénomène est porteur de sens, c'est-à-dire qu’il représente et ne peut donc laisser indifférent la personne qui le reçoit. Du côté psychique, plusieurs moyens sont à l’œuvre  pour percevoir les phénomènes synchroniques: intuitions, prémonitions, rêves…

Une des particularités majeures de la synchronicité est son caractère acausal. On entend par ce terme un phénomène ne pouvant cadrer avec la fameuse dialectique majoritairement reconnue dans notre société rattachant toujours un effet à une cause. Cela impliquerait qu’une certaine dimension pouvant unir matière et psyché à travers le temps nous est encore inconnue. On pourrait par exemple penser qu’il s’agit en fait d’une seule et même chose uniquement scindée en deux par la linguistique afin de nous en faciliter la connaissance séparée. Dans le milieu des chercheurs intéressés par le sujet, les hypothèses vont de bon train car cela voudrait également dire que le temps tel que nous le connaissons n’est peut-être qu’une idée biaisée adoptée en raison de son caractère pratique. Chose curieuse, la synchronicité s’accorde parfaitement avec bon nombre de théories issues de la physique quantique.

Autre particularité, le phénomène synchronistique se situe également en dehors de l'espace. Plusieurs cas attestés prouvent que le phénomène physique en rapport avec le phénomène psychique peut avoir lieu en tout lieu et même très loin de celui ayant perçu le phénomène. Marie-Louise Von Franz raconte par exemple cette anecdote: elle se trouvait en vacance quand soudain, au beau milieu d'une de ses activités, l'image d'une de ses patientes à tendance suicidaire s'impose à elle avec insistance sans qu'il ne semble y avoir de raison. Elle lui envoie donc un télégramme lui disant de "ne pas faire ça". Le facteur livra à la dite dame le télégramme au moment où elle était sur le point de mettre fin à ses jours. La coïncidence la troubla tellement qu'elle annula son projet. Dans ce contexte, on voit que l'effet synchronistique a eu lieu alors que de nombreux kilomètres séparaient les deux personnes. La conception de l'espace et donc autant ébranlée que celle du temps. Jung en tira la conclusion qu'une sorte de matrice d'unité régissait notre monde.

Il est à noter que l’idée de synchronicité, sans être nommée comme telle, est bien antérieure à la psychanalyse analytique. Durant le premier millénaire avant Jésus Christ, les chinois avaient déjà c..çu une pratique de divination philosophique associant les choses à l’intérieur de soi aux choses à l’extérieur de soi dans un rapport fusionnel avec le temps à la fois mobile et immobile, éternel et passager. Il s’agit du célèbre Yi  Jing. Jung découvrit justement ce livre par l’intermédiaire d’un ami au moment même où le concept de synchronicité était en train d’émerger de son esprit ce qu’il interpréta justement comme un phénomène synchronistique l'engageant à continuer dans cette voie. Il existe d’autres exemples de scientifiques ayant pu avancer leur recherches par de similaires coïncidences.

Comme bon nombre de phénomène parapsychologique, la synchronicité est malheureusement très difficilement étudiable car ses manifestations ne sont pas reproductibles chaque expérience est unique et seulement valable pour le sujet qui en est le récepteur. Il ne s’agit pas d’un phénomène s’accordant avec les statistiques ni avec les tableaux de probabilité car il va justement à l’encontre de ces notions en raison de son caractère toujours unique manifestant la puissance et la réalité du "hasard". De plus, nous ne possédons aucun moyen pour savoir quand est-ce qu’un phénomène synchronistique va avoir lieu. Il n’en reste pas moins que, malgré son caractère pouvant être perçu comme nébuleux, la synchronicité jouit pourtant d’une réputation assez solide pour avoir été traitée par des penseurs et des chercheurs reconnus mais aussi pour avoir été vécu au moins une fois par une majorité de personne au cours de leur vie.  

Bah, en fait ces évènements sont quand même plutôt rares car il faut que leur sens soit une sorte d'évidence pour la personne concernée.
Autre exemple de Marie Louise Von Franz : une femme fait la commande d'une robe verte. Quelques jours après on lui annonce la mort d'un proche. Le jour même, la commande arrive mais à la place de se voir livré une robe verte, la robe qui arrive est noire...

Les taoïstes, fervents adeptes de la synchronicité, voient le temps comme une roue. Cette roue est en rotation constante mais plus on s'approche de son centre moins le mouvement devient tangible. Il est même envisageable que le point central soit "immobile" en quelque sorte. En fonction du repère temporel sur lequel tu te focalises, la vitesse n'est pas la même et peut donc être sujet à caution...