Papus Né le 13 juillet 1865, en Espagne, à La Corogne, d’un père français et d’une mère espagnole, Gérard Encausse passa toute sa jeunesse à Paris, où il fut reçu docteur en médecine (juillet 1894). Avant même de terminer ses études, dès 1886 environ, il se donna pour tâche de lutter contre le scientisme de l’époque en répandant une doctrine nourrie aux sources de l’ésotérisme occidental d'alors : le chimiste Louis Lucas, le mathématicien Wronski, l'alchimiste Cyliani, le pythagoricien Lacuria, le magnétiseur Hector Durville, Antoine Fabre d'Olivet, Alexandre Saint-Yves d'Alveydre. Encausse, qui se fit appeler Papus d’après le nom d’un esprit du Nuctaméron, attribué à Apollonius de Tyane, fut un chef de file incontesté. Il se défendait d’être un thaumaturge ou un inspiré et se présentait comme un savant, un expérimentateur. Par ailleurs, la pensée de Louis-Claude de Saint-Martin a laissé sur lui une trace profonde à partir de 1889 environ, peu après sa rupture (1890) avec la Société Théosophique de Mme Blavatsky.
Il s’affilia à de nombreuses organisations initiatiques, dont : le martinisme de Henri Delaage (1882), l'Hermetic Brotherhood of Luxor de Max Théon (en 1885 ?), la Société Théosophique de Helena Blavatsky (en 1887), l’Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix de Péladan et Guaita (en 1888), l'Église gnostique universelle de Jules Doinel (en 1892), l'Hermetic Order of the Golden Dawn (en 1895), la franc-maçonnerie (vers 1900), le Rite Swedenborgien (1901), le Rite de Memphis-Misraïm (1908), etc.
L’Ordre Martiniste, créé par Papus et par Augustin Chaboseau en 1891, doit son nom au souvenir de Louis-Claude de Saint-Martin et peut-être à celui de J. Martinès de Pasqually. Dans sa revue officielle, L’Initiation, fondée par Papus en 1888, on relevait les noms de Stanislas de Guaita, Péladan, Charles Barlet, Matgioi, Marc Haven, Paul Sédir, Albert de Rochas, Lucien Chamuel, Fernand Rozier. Mais, du moins pendant longtemps, les noms de Martines de Pasqually, Saint-Martin, ou Willermoz y sont beaucoup moins cités que ceux de Fabre d’Olivet et d’Éliphas Lévi. Les premiers martinistes de renom furent Paul Adam, Maurice Barrès, Stanislas de Guaita, Victor-Émile Michelet et Péladan.
D'autre part il se constitua un groupe organisant des cours et des conférences visant à faire découvrir aux chercheurs les valeurs de l'ésotérisme occidental. Il devint bientôt le cercle extérieur de l'Ordre Martiniste, sous le nom de Faculté Libre des Sciences Hermétiques (mars 1897). Les cours étaient nombreux (une douzaine par mois environ), et les sujets étudiés allaient de la Kabbale à l'Alchimie et au Tarot, en passant par l'histoire de la philosophie hermétique. Papus, Sédir, Victor-Émile Michelet, Fernand Rozier et A. Chaboseau, entre autres, jouaient les professeurs. La section Alchimie, dirigée par François Jollivet-Castelot, est à l'origine de la Société Alchimique de France.
Ce vaste mouvement hermétique, dont Papus était l’une des âmes agissantes, est sans nul doute inséparable de la littérature symboliste de cette époque, bien qu’il fût lui-même naturellement beaucoup plus orienté vers les mystères de l’occultisme que vers les recherches esthétiques de Mallarmé ou de Villiers de l’Isle-Adam. De leur côté, les symbolistes ne trouvaient guère dans le renouveau ésotérique que des thèmes d’inspiration. Le martinisme, d’ailleurs, n’apparaît à cette époque que comme l’une des nombreuses manifestations de ce renouveau.
Papus eut une production littéraire impressionnante, qui lui valut le surnom de « Balzac » de l’occultisme. D'aucuns lui reprochent cependant d'avoir manqué de rigueur dans ses travaux sur la Qabbale. Par ses talents de vulgarisateur, il contribua à ouvrir les esprits de son temps aux sources vives de la pensée analogique et de l’imagination créatrice, poursuivant en cela le travail qu'Éliphas Lévi avait entrepris (Les Disciples de la science occulte : Fabre d'Olivet et Saint-Yves d'Alveydre, Paris, 1888 ; Traité élémentaire d'occultisme, Paris, 1888 ; Traité méthodique de sciences occultes, Paris, 1891, etc.)
En automne de 1905, Nicolas II, aux prises avec les troubles sociaux, l’appela à Tsarskoïe Selo pour lui demander conseil. Papus évoqua alors, au cours d’une opération magique, l’esprit d’Alexandre III, qui préconisa la répression et annonça une révolution de grande envergure. Papus affirma au tsar que cette révolution n’éclaterait pas tant que lui-même serait vivant. Le Maître Philippe de Lyon, véritable guide de Papus, jouit, lui aussi d’une grande autorité morale auprès du tsar, à qui il avait prédit la naissance du successeur au trône, mais la venue de Raspoutine l’évinça. Les visites de Papus à Nicolas II, séjours auréolés de mystère, ne sont qu’épisodes parmi d’autres dans cette vie étrange mais féconde.
L’Ordre Martiniste, qui recruta vite des membres dans de nombreux pays, connaîtra des périodes de sommeil causées par les guerres, mais il est de nouveau en activité depuis 1952, grâce à l'action de Philippe Encausse, le fils de Papus.
Pierre-Augustin Chaboseau, avec l'aide de Victor-Emile Michelet, crée l'Ordre Martiniste Traditionnel en 1931. Ses membres sont répartis en trois degrés et travaillent dans des heptades (en maçonnerie, on dirait des grades et des loges). Le degré le plus élevé est celui de S.I. (Supérieur ou Serviteur Inconnu). Les femmes y sont admises aussi bien que les hommes.
Papus est mort le 25 octobre 1916, à Paris. Pierre Piobb fut accusé à tort d'en être responsable. Papus a laissé 160 ouvrages, almanachs, revues et articles.
Dans sa brochure Ce que doit savoir un maître maçon, il dénonce l'influence d'agents étrangers sur la franc-maçonnerie française et lui reproche de s'être laisser aller à un engagement politique, d'être tombée dans le matérialisme et de s'être coupée de la franc-maçonnerie universelle à cause de la querelle du Grand Architecte de l'Univers[1].
Papus a particulièrement insisté sur les analogies et correspondances, entre autres dans son ABC illustré d'occultisme (posthume, 1922). Tout objet terrestre fait partie d'une chaîne analogique qui part de cet objet pour aboutir à un astre, un règne, un Élément, un ange... Tout se correspond dans l'univers, par grandes chaînes, astrologiques, élémentaires, "la Terre, correspondant au règne minéral ; l'Eau, correspondant au règne végétal ; l'Air, correspondant au règne animal ; enfin, le Feu, correspondant au monde des forces et des intelligences" (p. 239). "La science antique est donc surtout constituée par des tableaux, qui établissent les relations entre tous les êtres et tous les objets de l'Univers" (p. 167).
Rumeurs et Opinions : « Chez les anciens mystagogues, Papus est le nom du Génie de la Science et de la Guérison. Le bon Gérard Encausse, officier de santé, s'était affublé de ce nom sans le trouver ridicule. Carré d'épaules, trapu, presque bedonnant avant la trentaine, avec des traits à la fois poupins et sévères, les cheveux noirs, la barbe taillée en carré, il faisait craquer aux entournures sa redingote, qu'il portait toujours, et qu'on sentait trop étroite pour ses membres épais. » (Michel de Lézinier, Avec Huysmans - Promenades et souvenirs, Paris, Delpeuch, 1928, p.167)
« Celui-là était le bœuf parmi ces évangélistes improvisés. Très travailleur, organisateur excellent, il creusa son sillon avec la charrue d'un encyclopédisme malheureusement trop hâtif. Il fabriqua des livres énormes de bric et de broc, avec des citations et des gravures cueillies un peu partout, amalgamant les textes, sans y apporter cette saveur perverse et personnelle qui du moins émane des pages de Guaita. (Jules Bois, Le Monde Invisible, Paris, Flammarion, s.d., p.30).
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