Lorsqu’on considère la religion romaine, notre premier tort est d’entendre le mot « religion » à la manière des grandes religions monothéistes. En effet, pour les romains, la religion n’était pas une croyance personnelle régie par un dogme mais un ensemble de pratiques rituelles permettant de régir la vie de la Cité. Imaginer que les romains croyaient tous au panthéon complet que nous leur attribuons est donc une erreur. Comme nous allons le voir, leur religion avait la possibilité assez fascinante d’être à la fois pratique et appliquée.
À la base de cette religion, on constate tout d’abord une triade de dieux issus du substrat indo-européen (Jupiter, Mars et Quiritus) reliés à des fonctions essentielles pour la société (pouvoir, force et production). Suite à cela viennent se greffer des divinités indigènes propres à la civilisation italienne comme Saturne ou Vulcain par exemple.
Là où les choses commencent à devenir intéressantes, c’est que par rapport à une base minimale telle que celle-ci, les romains vont ensuite être capables de « créer » des dieux venant combler leurs manques. Plusieurs procédés vont pouvoir être employés à cette fin.
Face au besoin d’avoir un dieu du commerce, ils prirent une divinité grecque (Hermès) et une divinité étrusque (Turnus) pour forger la figure de Mercure. On assiste là à un phénomène d’assimilation doublé d’un phénomène de transfert.
On pourrait croire que cette fusion est le résultat fortuit de la rencontre entre plusieurs cultures mais le caractère vraiment pratique et conscient du phénomène serait sous-estimé.
Par exemple au Vème siècle avant J.C., une très grave épidémie s’abattit sur Rome. Face à l’envergure du problème, les magistrats décidèrent d’appeler un nouveau dieu guérisseur puissant et de lui élever des temples afin d’obtenir son secours. Le culte d’Apollon prit alors naissance.
Cette intervention de la part de politiciens peut de prime abord surprendre mais cette logique était pourtant tout à fait ancrée dans les pratiques. Et pour cause, il n’y avait pas de choses par nature sacrées à Rome. Le caractère sacré était donné (mais pouvait également être retiré) à telle ou telle chose par l’acte de consécration effectué par les Magistrats qui avaient fonction de prêtre pour la Cité (tout comme le père avait fonction de prêtre pour la famille, décidant quelles divinités seraient adorées sous son toit).
Une autre manière pour les romains d’acquérir de nouveaux dieux était l’évocation. Encore un fois, la définition de ce terme pourrait être brouillée par votre pratique de la magie d’entité. Pour les romains, l’évocation consistait à faire passer dans leur camps (et donc dans leur panthéon) une divinité adorée par leurs adversaires. Au début du IIème siècle avant J.C. par exemple, un violent conflit opposa Rome à une cité étrusque du nom de Véies. Véies était protégée par une divinité locale du nom de Juno Regina. Les romains s’introduisirent dans la ville et dérobèrent la statue de la déesse afin d’ôter à leurs ennemies cette protection et de s’en faire une alliée. La déesse devint la célèbre Junon.
Autre exemple d’adoption : à la fin du IIIème siècle se déroulèrent les guerres puniques où Rome faillit être écrasée. Les romains se sentirent dans le besoin de faire appel à des dieux extérieurs à leur civilisation et allèrent chercher des divinités grecques pour leur venir en aide. Face à cette menace pour la tradition, le Sénat revalorisa d’anciens cultes archaïques plus ou moins oubliés (comme celui de Saturne) et officialisèrent plusieurs adoption en trouvant des équivalences (Vénus est ainsi devenue Aphrodite).
En certaines périodes, certains dieux romains furent également rejetés du panthéon. C’est le cas de Bacchus dont le culte fût en -186 reconnu comme trouble à l’ordre public pour des raisons politiques souterraines.
Ainsi, le panthéon romain s’est construit sur l’idée de trouver quel dieu pourrait être le plus compétant face à telle ou telle situation. Le polythéisme était une façon de multiplier les chances de succès.