Je ne me souviens plus de ton prénom – c'était il y a tellement d'années. Le temps m'a tout pris. Le trésor que représentaient la chaleur ainsi que l'odeur de ta peau s'est peu à peu effacé, lui aussi. Je ne sais même plus si tu as existé à une époque. Es-tu un souvenir enseveli ou une extrapolation qui se joue odieusement de moi ? Je crois que nous ne pouvons manquer de ce que nous n'avons jamais connu. Tout ce qui demeure sont vos images. Je sais qui vous incarniez. Je conserverai vos sourires. Ta sérénité et ta beauté m'animeront, je pense, pour l'éternité. Je sais que je vous ai aimé. Tu étais si jeune... Je garderai de toi ta chevelure, celle qui narguait le vent. Tes boucles; leur légèreté. Je sais que ta peau était pâle, sans être fade. Je me souviens de toi comme d'une carte postale. Je ne peux plus que t'imaginer. Tes taches brunes parsemées autour de ton petit nez étaient ce pourquoi j'avais craqué. Je ne connais plus rien de ta voix. Tu es un fantôme. Tu emportes également avec toi l'esprit de nos enfants. Mes enfants, mes chers petits. D'abord nous avons eu le premier. Un garçon.  Pourquoi je ne me remémore pas son prénom à lui non plus ? Il était fier. Fier de pouvoir avancer le fait que c'était lui le plus grand, lui qui se devait de vous protéger lorsque je n'étais pas là. Fier de protéger sa sœur, qui devança notre dernier fils de deux ans. Je n'aurais jamais pu espérer tant de réussite. J'aurais voulu vous garder près de moi. J'aurais voulu...

Ce fameux soir, cette balle cingla dans mon dos. Ils sont arrivés de nulle part pour je ne sais quoi. Avec le temps, on fini par se dire que nous n'étions pas au bon endroit au bon moment. Je n'ai pas eu mal; je n'en ai pas eu l'occasion. Ma moelle fut sectionnée juste ce qu'il fallait pour être le témoin de cette représentation innommable. Lorsqu'ils m'ont cru mort, ils se sont approchés de toi, toi qui par la rage et la tristesse tenta d'envelopper nos enfants dans tes bras, comme si tu voulu les dissimuler. Ils te les ont arrachés, un par un. Ils les ont forcés à regarder. Après qu'il t'a souillé, ils ont enroulé cette corde autour de ton cou tuméfié, puis l'ont tendue avec une force démoniaque. Tu t’es soulevée et tu a cessé de bouger bien vite. Notre plus jeune fils ne présenta aucun intérêt. Un coup dans la nuque suffit. La cruauté ne connu de terme qu'après avoir forcé notre dernier fils à constater son impuissance face au massacre de sa sœur. Avant de partir, le menton aussi haut qu'il pût, il réalisa, en croisant mon regard, que je n'étais pas parti. Il voulut courir vers moi mais son corps s’arrêta bientôt dans un soubresaut final. Une balle avait sifflé pour lui aussi. Seul désormais, seul dans une marre d'horreur, je ne pouvais qu'affirmer que si mon corps avait été épargné, mon esprit, lui, venait de mourir. Plus tard, ils ont essayé de me maintenir en vie. Ils ont tenté de garder vivante une enveloppe paralysée et vide. Hélas, ce qui est inhabité finit par pourrir.

Je me réveille ce matin, avec la lueur de la scène finale encore brillante dans le fond de ma pupille. Je m’aperçois que mes larmes ont abondamment coulé. Pendant un instant, je suis désorienté. Je vous cherche. Je ne reconnais pas la chambre dans laquelle je me trouve. Je panique. Je ne peux pas vous appeler. C'est si proche, et pourtant si lointain. Je suis à nouveau jeune. Je ne me retrouve pas dans mes traits, je n’y comprends rien. Je réalise pour finir que ce n'était qu'un rêve. Un rêve dont le réalisme sauvage et troublant m'étrangle encore maintenant. Je me suis endormi, la veille, entier. Je suis, aujourd'hui, déchiré par ce souvenir.

Tout ce qui demeure sont vos images. Je sais qui vous incarniez. Pourquoi je le sais d'ailleurs ? Il y a des éléments du passé qui ne devraient pas se retrouver dans nos vies futures.

Je ne vous oublierai plus désormais - malheureusement...

='( C'est triste ='( mais c'est très jolie, très bien écrit félicitation. nya ='/

Ah triste oui... j'avoue. Même si, bizarrement, ça a fait du bien d'écrire cela.

Je vis en quasi permanence avec cette "torture" mentale qu'est ce genre d'univers. Un moyen de comprendre qui je suis vraiment.

Je vois .. en tout cas ça se sent que tu sais vraiment de quoi tu parles =/ courage. =/

Oui. Je pense que ça vient du fait que je côtoie des esprits tout le temps. Leur tristesse et leur humeurs déteignent sur moi. xD Et il est reconnu que les artistes sont torturés de base non ?! :p

C'est vrai .. et c'est sûrement ce qui rend leurs oeuvres si belle .. mais .. c'est triste quand même .. il faut penser que même un artiste rayonnant d'espoir et de lumière si il est ainsi c'est qu'il a aussi connu de la souffrance et peut-être même encore mais en la cachant =/ finalement la souffrance est partout .. et d'un sens elle nous aide parfois .. j'imagine que c'est dans l'ordre des choses...

La souffrance est un beau paradoxe. Elle détruit pour nous construire.

Oui c'est normal que le lecteur s'y perde. C'est le but. Lorsque j'ai écrit ce texte, j'en avais encore des images dans la tête et moi, je savais de quoi je parlais. Le hic, c'est qu'il restait cette incompréhension temporelle de tout rêve ! Je voyais le tout... sans le saisir vraiment. J'ai donc reproduit cela à l'écrit.

Pour la grammaire de "Après que", nous n'employons jamais de subjonctif après. Il faut mettre de l'indicatif ! Nous ne devons donc pas dire "après qu'il t'ai souillé" mais "après qu'il t'a souillé". De plus, il n'y a qu'un seul homme qui a commis cet affront. Pas tous. C'est donc du singulier. L'astuce pour "après que" c'est de le remplacer par "Lorsque", et nous trouvons le bon temps. Ceci donne " lorsqu'il t'a souillé..." et non "lorsqu'il t'ai souillé..." ---> J'ai mis un bon moment avant de comprendre cela mais merci à ma prof pour sa patience et son calme à mon égard. ^^'

Pour la fin, nous retrouvons effectivement un flou. Mais pas un flou sur les souvenirs mais un flou sur le présent. Une sorte de transmutation si je puis dire.

Ce texte effraie bon nombre de personne, je suis content qu'il "plaise" à des personnes sensibles. ^^