Le Bouddha rieur :
Le techno-chamanisme et la démocratisation de la béatitude.
Qui veut dormir (quand une fête bat son plein ?)
M. Hutchinson
Les avancées neuroscientifiques de cette dernière décennie ont prouvé que, stimulé correctement, le cerveau humain ordinaire possède des pouvoirs extraordinaires ou exceptionnels et que ce que nous appelons conscience « normale » est en fait un genre de sommeil dont nous nous « réveillons » lorsque nous entrons dans des états de pointe ou supérieurs. Comme les recherches neuroscientifiques l’ont montré clairement, ces pouvoirs non ordinaires ou « métanormaux » ne sont pas mystérieux, mais le résultat de changements clairs et quantifiables dans les schémas d’activité neurologique cérébrale.
Nous avons tous fait l’expérience d’entrer dans un état supérieur ou métanormal – appelons-le lucidité, intuition, maîtrise, sagesse, grâce, béatitude, éveil, créativité, apprentissage, satori – un état où nous savons que notre état ordinaire est un profond sommeil par rapport à cet éveil riche. Et nous savons aussi que c’est l’état dans lequel nous devrions être tout le temps. Après tout, le sommeil est un état agréable et reposant, mais qui d'entre nous choisirait d’y passer toute sa vie, même si ça doit être dans le lit le plus confortable ? La plupart d’entre nous aimeraient être dans cet état de performance aussi souvent que possible.
En fait, il s’est avéré que les humains sont génétiquement programmés pour rechercher ces états de conscience altérés. Je crois, et ma conviction est soutenue par des preuves récentes, qu’une des clés de l’évolution humaine, de la croissance rapide de la taille du cerveau de notre espèce et de nos capacités créatives uniques a été notre volonté instinctive de connaître ces états de conscience et de performance métanormaux ou exceptionnels. Des enfants qui tournent sur eux-mêmes pour induire le vertige et dévalent les pentes en enchaînant les culbutes aux performeurs, chirurgiens, alpinistes, joueurs d’échecs ou artistes créatifs qui trouvent que les parties les plus vitales et satisfaisantes de leur vie ont lieu quand ils sont dans un état de « flou », les êtres humains adorent être éveillés.
Le psychiatre Stanislav Grof, docteur en médecine, qui a passé sa carrière à étudier les effets des états de conscience non ordinaires remarque que « l’élan transcendantal est la force la plus vitale et puissante de l’homme ». Selon Grof, cette impulsion humaine à se connecter au domaine spirituel est si forte qu’« elle ressemble par sa nature à la sexualité, mais en étant plus fondamentale et irrésistible ».
Michael Murphy, fondateur de l’Institut Esalen et auteur de « The Future of the Body », une vaste compilation d’exemples de performances exceptionnelles de l’homme, a classé les performances exceptionnelles ou de pointe en une douzaine de domaines différents, dont :
* Perceptions extraordinaires de choses en dehors de soi, comme la beauté transcendantale de choses ordinaires ;
* Conscience somatique ou physique exceptionnelle, comme le contrôle volontaire de la tension artérielle ou du rythme cardiaque ;
* Compétences de communication inhabituelles, comme la communication de pensées ou des états mentaux ;
* Vitalité phénoménale, comme lorsque nous réalisons des exploits « surhumains » ;
* Capacités de mouvement extraordinaires, comme une agilité athlétique mystérieuse ;
* Capacités inexplicables d’influencer les événements à distance, comme la guérison spirituelle ;
* Capacités exceptionnelles à modifier la douleur et le plaisir, comme la joie qui persiste malgré la maladie ou l’adversité ;
* Pouvoirs extraordinaires, comme les éveils créatifs, les expériences mystiques et les œuvres de génie ; et
* Amour qui transcende les désirs et besoins personnels et manifeste une unité fondamentale avec les autres.
Chacun d’entre nous présente un de ces attributs de façon ordinaire. Mais nous pouvons aussi manifester ces attributs de façon extraordinaire ou métanormale. Il faut être au bon endroit au bon moment (quand votre enfant est coincé sous une voiture, quand vous êtes soumis à une pression extrême, quand vous avez un coup de foudre, quand vous prenez une certaine substance psychédélique), etc.
Nous percevons tous des événements externes. Par exemple, pour reprendre le premier attribut de la liste de Murphy, nous percevons la sonnerie de la porte, nous percevons la voix d’un ami qui nous parle. Mais nous avons tous fait l’expérience de percevoir des événements externes de façon totalement différente – avec un nettoyage soudain des « portes de la perception », la perception d’une réalité « ordinaire » avec une clarté, signification et illumination nouvelles.
Nous avons tous des capacités de mouvement, mais beaucoup d’entre-nous, surtout dans le sport, ont connu des moments où nous jouons soudain « dans la zone », quand la balle de baseball qui se dirige vers nous semble si grande et si lente que nous pourrions compter ses coutures et voir dans quel sens elle ira, quand nous dirigeons la balle de golf 45 m plus loin que jamais, quand nous exécutons brusquement un revers parfait et apparemment impossible sans peine.
Dans pratiquement chaque aspect de notre vie, nous sommes capables de réaliser l’exceptionnel au cours d’un état de pointe.
Il est prouvé que ces expériences sont essentielles. Sans nos moments d’éveil, nous tombons malades. Comme le souligne Stanislav Grof, « les êtres humains ont un besoin profond d’expériences transpersonnelles et d’états où ils transcendent leur identité individuelle pour trouver leur place dans un ensemble plus grand intemporel. Cet instinct spirituel semble plus basique et irrésistible que le moteur sexuel et, s’il n’est pas satisfait, il peut aboutir à de sérieux troubles psychologiques. »
A la recherche d’outils d'éveil
L’histoire de l’homme est parcourue d’un fil rouge : la quête de techniques efficaces et fiables pour connaître ces états d’éveil – « les technologies spirituelles ». L’homme a déployé une quantité énorme d’ingéniosité et d’efforts pour trouver des passerelles vers ce monde de lucidité. Dans sa poursuite compulsive de ces expériences transcendantales, l’homme a toujours utilisé la technologie la plus avancée disponible, de la première technologie pour créer et manipuler le feu et la lumière à la technique des percussions et des chants, tout au long de l’histoire humaine. Après tout, le mot « technologie » vient du grec technos et logos, signifiant par essence une façon organisée d’utiliser la raison ou l’application systématique d’un ensemble de connaissances. Utiliser la technologie a alors plus à voir avec la signification d’être humain.
Une des technologies spirituelles les plus anciennes est le chamanisme. Selon l’anthropologue Michael Harner, ce système pragmatique de technique reliant le corps et l’esprit a au moins 30 000 à 50 000 ans, probablement plus, et vient de techniques développées tout au long de l’évolution de l’homme. Le chamanisme a donné naissance à une foule d’autres technologies spirituelles, notamment les exercices corps-esprit du yoga, et à une grande diversité d’écoles ésotériques, cultes du mystère et rituels technologiques, y compris le gnosticisme, le soufisme, la kabbale, le tantrisme, le taoïsme, l’alchimie et la méditation. Durant son exploration de ces technologies spirituelles, l’homme a tapé sur des tambours, dansé, chanté, jeûné, tenté différentes façons de respirer, s’est mis sur la tête, a passé des années dans des caves obscures, prié, répété des phrases magiques, mangé des herbes et plantes sauvages, regardé le feu, s’est adonné à des pratiques sexuelles étranges, a contemplé des symboles, a créé des rituels passionnants. Cette ingéniosité et ces efforts ont payé. L’homme a mis au point une série de technologies pour entrer dans des états de pointe qui fonctionnent réellement. Un exemple est la grande diversité des pratiques méditatives, incluant des sortes de chants, danses, respirations, immobilisme, mouvements, maintien du contrôle par l’esprit. Elles fonctionnent. Mais, pour la plupart des personnes, elles ne fonctionnent que partiellement, sans pouvoir dire quand ça marchera. Il est intéressant de noter que des études des ondes cérébrales de beaucoup de personnes qui se disent expérimentées ou méditant depuis longtemps montrent que ces personnes sont dans un état de lumière alpha – un état passif de relaxation, mais différent des schémas d’ondes cérébrales distinctifs de véritables états méditatifs profonds.
L’aspect, peut-être, le plus frustrant et décourageant des différentes technologies spirituelles est qu’elles demandent souvent une très très longue pratique – une discipline ardue et rigoureuse – avant de réellement fonctionner efficacement. Des études menées sur des moines zen, par exemple, ont montré que les seuls moines pouvant entrer rapidement et à volonté dans l’état de méditation zen le plus profond sont ceux qui méditent depuis plus de 20 ans.
Tout au long de l’histoire de l’homme, l’état d'éveil - lucidité, illumination, contrôle, sérénité, extase, grâce – a été un objectif très tentant.
Il se produit parfois spontanément, venant de nulle part, et, pendant quelques instants, nous y sommes. Il repart ensuite comme il est venu. Malgré la richesse des technologies spirituelles disponibles, la plupart d’entre nous ont découvert qu’il n’était pas facile d’entrer dans ces domaines de performance de pointe sur demande.
Le techno-chamanisme et les outils de transcendance
Tout cela a changé irréversiblement suite aux récentes avancées dans les neurosciences et la technologie. Tout d’abord, les scientifiques ont commencé à découvrir ce qu’il se passe dans notre cerveau quand nous entrons dans ces états inhabituels et ils ont vu que le cerveau subissait une série de changements clairs et quantifiables, y compris des changements dans l’activité des ondes cérébrales et les schémas d’activation cérébrale.
De plus, il est désormais clair qu’il ne faut pas des années d’entraînement ou de mystérieux pouvoirs de méditation pour produire ces schémas uniques d’activité cérébrale associés aux états de pointe. En effet, les scientifiques ont découvert que ces changements pouvaient être induits activement et rapidement à l'aide de stimulations ou appareils mécaniques externes comme des lumières stroboscopiques, un courant électrique rapide, des cabines de flottaison, des combinaisons précises d’ondes sonores pulsatives ou un mouvement physique rythmique.
Ces découvertes ont donné naissance à une variété de bidules high-tech que des centaines de milliers de personnes utilisent désormais régulièrement pour entrer dans des états altérés, agréables et souvent d’éveil ou transcendantaux. En d’autres termes, la science a montré que ces machines pouvaient être considérées comme les outils spirituels de notre propre culture technologique : le techno-chamanisme.
Il est important de noter qu'une foule d’études récentes ont révélé que les états de pointe induits mécaniquement semblent avoir des effets psychobiologiques aussi « authentiques » que les états de pointe atteints par des pratiques méditatives rigoureuses. Naturellement, être capable de produire les schémas cérébraux physiques de la méditation chez quelqu’un est intéressant, mais nous savons tous qu’il y a une grande différence entre quelqu’un qui produit mécaniquement les schémas d’un pas de danse et quelqu’un qui danse réellement.
Des tests répétés ont toutefois démontré que, pour les sujets stimulés, cette stimulation mécanique du cerveau pouvait produire des expériences subjectives apparemment identiques sur le plan qualitatif ou difficiles à distinguer des états supérieurs atteints par les techniques traditionnelles. Par exemple, il est maintenant apparent que les personnes qui utilisent de tels outils technologiques pour le cerveau comme les appareils de son et lumière, les cabines de flottaison, les électrostimulateurs crâniens (CES), les systèmes de répétition acoustique (ou « lits de sons ») etc. pouvaient subir des transformations de personnalité profondes bénéfiques, connaître des illuminations spirituelles changeant leur vie, etc.
Le pouvoir au peuple
Le conflit le plus intriguant et important tout au long de l'histoire humaine a probablement été la lutte permanente entre l’autorité et les individus à la recherche de liberté pour suivre leurs propres impulsions exploratoires. L’autorité, consciente que son pouvoir sur les autres repose sur le maintien de la situation en place, a toujours tenté de limiter les changements sociaux en contrôlant ou supprimant le flux d’informations. Les adeptes du changement social et de la liberté individuelle, de l’autre côté, ont toujours tenté de diffuser de nouvelles informations aussi largement que possible. Comparez, par exemple, la rétention jalouse d’informations par les anciens dirigeants, empereurs et autorités religieuses à la demande de Jésus à ses disciples « parcourez le monde et répandez la bonne parole ». En matière de sagesse et de technologies spirituelles, cela signifie que, durant l’histoire, les détenteurs de l’autorité spirituelle, les maîtres des technologies spirituelles et ceux qui voulaient conserver le pouvoir ont tenté de garder les technologies spirituelles secrètes. Ils ont donc perpétué la tradition des « mystères » spirituels, partagés uniquement par un petit groupe d’initiés et transmis à des individus sélectionnés qui poursuivraient la tradition et conserveraient le secret – et l’autorité – des technologies spirituelles.
De l’autre côté, les adeptes du changement, désireux de répandre l’information aussi largement que possible, ont toujours tenté de percer le secret des mystères spirituels. L’histoire a donc été traversée par une impulsion centrale : trouver des façons de systématiser et simplifier les technologies spirituelles pour pouvoir les enseigner plus facilement et donner accès à l’expérience mystique centrale à autant de personnes que possible. Exemple : pendant des millénaires, la façon d’atteindre des états d’extase spirituelle a été tenue secrète, transmise dans les monastères et les écoles du mystère où elle passait du maître à l’élève.
Mais, comme l’observe le Dr Herbert Benson dans « The Relaxation Response », au onzième siècle, le peuple a pris conscience que cette extase pouvait être induite par tout un chacun relativement vite en pratiquant des exercices rythmiques impliquant position, contrôle de la respiration, mouvements coordonnés et répétitions orales.
Le rationalisme occidental, la tradition scientifique matérialiste de ces 500 dernières années, peut être vu comme une tentative de systématiser et démocratiser ces expériences mystiques. Le pouvoir au peuple.
Le développement et l’essor fulgurant de l’imprimerie, par exemple, ont permis de transmettre à un nombre infini de lecteurs potentiels des informations essentielles sur les technologies spirituelles qui devaient auparavant être transmises laborieusement du professeur à l’élève, de génération en génération.
Mais il y a toujours eu, au sein des autorités, de la hiérarchie de l’Eglise Catholique médiévale aux dictateurs oppressant des populations entières de « péquenauds », des personnes qui redoutaient la diffusion de l’alphabétisme et ont essayé de tenir les livres hors des mains du peuple.
Les prêtres de la science et le mystère nucléaire
Le développement de la science moderne a essentiellement été une tentative de révéler l’ordre cohérent et mystique ou le principe organisateur de l’univers à toute personne intéressée, pas seulement à un groupe d’initiés au sein de l’autorité. Mais, même en science, le conflit entre ceux qui souhaitent maintenir l’autorité et le pouvoir par le secret et ceux qui recherchent la libre circulation des informations s’est poursuivi. La science a toujours eu ses « écoles du mystère » réunissant ceux qui ont tenté de conserver les informations scientifiques importantes secrètes, bien à l’abri de ceux qui pourraient les utiliser pour renverser la structure du pouvoir. Voyez, par exemple, les mesures de sécurité extraordinaires prises par le gouvernement américain pour entretenir le « mystère » de fabrication des armes nucléaires, du Projet Manhattan jusqu’à présent. De l’autre côté, les adeptes du changement, les scientifiques qui croient en la libre circulation des informations, les « démocratiseurs », croient depuis longtemps que la meilleure façon d’empêcher l’utilisation des armes nucléaires comme outils de contrôle par différentes structures autoritaires est de partager l’information avec tout le monde.
Cependant, malgré son but avoué de comprendre et révéler à tous le mystère essentiel, l’ordre cohérent de l’univers, la science académique et matérialiste moderne, axée sur une définition limitée de la réalité, a généralement rejeté et réprimé l’impulsion transcendantale. Comme Grof le souligne, « dans notre siècle, la psychologie et la psychiatrie académiques ont remisé la spiritualité au rang de produit de superstition, de pensée magique primitive et de pathologie pure ». Mais le moteur spirituel est si puissant que la science orthodoxe a été incapable de le supprimer. Il est désormais manifeste que cette impulsion transcendantale est enracinée dans nos gènes, un élément instinctif et essentiel de notre nature humaine.
Abraham Maslow faisait remarquer que pratiquement tous les êtres humains déclarent avoir un sens profond de « conscience unitive » à un certain moment de leur vie. Même en cette période très laïque et matérialiste, une enquête récente a révélé que près de 90 % des Américains se considéraient très « religieux » ou « spirituels ».
Plus étonnant encore est le nombre d’Américains qui signalent avoir vécu ce qu’on doit appeler des expériences mystiques. Un sondage de 1989 a révélé qu’un tiers des personnes interrogées répondait un « oui » bien clair à l’affirmation « Vous estimez avoir été très proche d’une force spirituelle puissante qui semblait vous extraire de vous-même ». Et 12 % déclaraient avoir connu cette expérience transcendantale « souvent » ou à plusieurs reprises.
La neuroscience comme quête spirituelle
Ecoutons Arnold Scheibel, professeur de médecine à l’UCLA, à propos de lui et de sa femme, Marian Diamond, neuroanatomiste à l’UC Berkeley : « Nous aimons à penser que, d’une manière ou d’une autre, le cerveau deviendra la religion du futur... » C’est très intéressant de voir la Révolution du Cerveau comme une quête spirituelle : un épanouissement soudain de scientifiques motivés par l’envie de comprendre le mystère de l’univers en étudiant le fonctionnement de la « dernière frontière », le système le plus complexe de l’univers. Des chercheurs spirituels utilisant toute leur technologie sophistiquée pour découvrir ce qu’il se passe dans ce mystérieux cerveau humain lorsqu’il connaît l’expérience ineffable de l’illumination ou de la transcendance. Comme les neuroscientifiques l’ont découvert ces dernières années, ces expériences d’éveil sont liées à certains changements physiologiques clairs dans le cerveau, y compris des altérations dans la chimie du cerveau, et à des changements dans l’activité électrique cérébrale.
Il a été établi que des machines pouvaient modifier la chimie du cerveau et les schémas d’activité des ondes cérébrales de la même façon que les expériences transcendantales, métanormales ou transpersonnelles. Il est logique d'affirmer qu’en reproduisant les mêmes schémas ou fluctuations dans la chimie et l’activité électrique du cerveau, ces outils peuvent réellement induire ces expériences extraordinaires.
Les recherches scientifiques, essais cliniques et témoignages de milliers de personnes attestent que ces instruments produisent effectivement des expériences spirituelles chez beaucoup de leurs utilisateurs.
Trompez-vous bouddha ?
La possibilité d’atteindre des états de performance de pointe induits par la technologie présente des implications époustouflantes. Mais il est essentiel de souligner que, si ces machines permettent à leurs utilisateurs de connaître des états supérieurs, elles ne le garantissent pas.
Un article récent paru sur les machines induisant des états d’éveil dans le Yoga Journal les condamnait, disant que « Se connecter à une machine ne fait pas automatiquement de vous une personne plus profonde ou meilleure. » L’auteur, un fervent adepte de la méditation, déclarait qu'il craignait que les utiliser signifierait « considérer les 20 dernières années de pratique [méditative] comme une perte de temps ». A son sens, ces machines ne produisent pas automatiquement un état identique à la méditation et étaient donc des tentatives de « tromper bouddha ».
Si un tel non-sens grincheux n’était pas si dangereux, il serait amusant. Condamner ces machines parce qu’elles ne font pas automatiquement de vous une personne meilleure revient à condamner les avions parce qu’en prendre un ne vous transforme pas automatiquement en saint. Tout comme les avions, ces machines sont simplement des outils : la technologie moderne appliquée pour améliorer les pouvoirs et capacités de l’être humain. L’homme a toujours voulu aller d’un endroit à un autre. La technologie du mouvement a évolué de la marche à l’équitation, aux voiturettes, canoës, bateaux à vapeur, trains, etc. Les possibilités d’aller de New York à Los Angeles ne manquent pas aujourd’hui. Vous pouvez marcher, monter à cheval, rouler à vélo ou en voiture, etc. Si vous marchez, vous y consacrerez beaucoup de semaines, rencontrerez beaucoup de personnes en route et aurez engrangé une foule d'expériences intéressantes qui changeront votre vie. Vous pouvez aussi prendre l’avion. Mais, que vous marchiez pendant trois mois ou voliez pendant six heures, vous arriverez au même endroit : Los Angeles. Vous serez une autre personne si vous marchez plutôt que de prendre l’avion, mais vous serez toujours au même endroit. Ce que vous y ferez vous regarde : vous pouvez chercher Dieu, surfer ou acheter une arme et tirer dans un fast-food. La technologie de l’esprit, comme les avions, peut vous conduire rapidement quelque part en toute fiabilité. Si la plupart d’entre nous choisissent de prendre l’avion, cela ne signifie pas que nous ne choisissons pas de marcher parfois ou que nous condamnons ceux qui choisissent de marcher tout le temps. Si je choisis généralement de prendre l’avion entre Los Angeles et New York, cela ne signifie pas, comme le suggère l’auteur de l’article du Yoga Journal, que je dois renier 20 ans de marche comme une perte de temps. Dans le domaine des élévations spirituelles, rien n’est jamais gaspillé. Et choisir de prendre l’avion plutôt que de marcher ne revient pas à « tromper bouddha ». Comme l’a dit Bouddha, « Tout arrive et tout passe... Quand vous voyez cela, vous cédez au chagrin. C’est la voie de l’éveil. » Je crois que la voie de l’éveil est un chemin qui peut être emprunté au même titre qu’un 747 ou une autoroute américaine.
Le bouddha rieur : des valeurs évolutionnaires du sexe, de l’amusement, des informations et des machines mentales
Des critiques telles que celles du Yoga journal pourraient être comiques, au même titre que ces vieux bonshommes en 1920 criant aux personnes filant dans les voitures pour « avoir un cheval » ! Mais, dans ce cas, une telle ignorance peut aboutir à la suppression d’une technologie importante et à la suppression d’informations sources de changement social crucial et de nette évolution. Après avoir déclaré que les machines mentales n’avaient aucune utilité parce qu’elles sont trop faciles et trop amusantes (« La véritable méditation … ne consiste pas à s’installer sur une chaise longue, mais à survivre dans une maison en feu »), l’auteur de cet article affirme paradoxalement qu’elles sont trop dangereuses pour les rendre accessibles au grand public (elles sont si puissantes qu’elles exposent les personnes à des choses dangereuses cachées dans leur subconscient) et suggère que la FDA réagisse pour réglementer ou contrôler l’accès à la technologie mentale. Cette réaction ferait par essence dépendre l’utilisation de ces machines d’une prescription ou les rendrait illégales, ce qui aurait un effet déplorable pour les recherches scientifiques sérieuses en cours sur la technologie cérébrale qui avancent à grands pas. La FDA a déjà prouvé son obstination à supprimer les technologies « dangereuses » dopant les performances comme elle l’a fait pour les nootropes qui sont des substances à la fois sûres et efficaces. Elle tente maintenant de supprimer les vitamines et nutriments (voir « Le problème avec la FDA » dans ce numéro). Ceux qui se moquent de la possibilité que la FDA rende les machines mentales illégales devraient se rappeler le sort de Wilhelm Reich, des substances psychédéliques et d’autres dangers pour le peuple américain.
Je crois que le flux d’informations ne doit pas être entravé. Selon une définition scientifique, les informations sont inversement proportionnelles à la prévisibilité : c’est-à-dire qu’une chose prévisible à 100 % ne contient pas d’informations. Autre façon de le dire : l’information est associée à la nouveauté et à l’imprévisibilité.
Les informations font que les gens se comportent de façon imprévisible. L’information est aussi amusante – les neuroscientifiques ont relevé que les centres d’apprentissage et du plaisir dans le cerveau ne forment qu’un seul et même centre : avoir une idée neuve entraîne un déversement de substances neurochimiques produisant l’euphorie, comme la dopamine et les endorphines. L’évolution nous a dotés d’un système de récompense chimique pour les attitudes qui renforcent notre survie : des actions comme manger, avoir des relations sexuelles et avoir de nouvelles idées. La sagesse (illumination, éveil) et les machines mentales sont deux sources de plaisir.
Toutes deux peuvent nous faire adopter un comportement imprévisible. Bouddha était un Bouddha rieur qui a enseigné que la sagesse venait de l’imprévisible.
Pourquoi les systèmes autoritaires détestent la nouveauté
Comme souligné au début de cet article, les systèmes ou structures de pouvoir autoritaires ont toujours tenté de réprimer la libre circulation des informations tout au long de l’histoire. Pourquoi ? Parce que les informations ou la nouveauté menacent leur stabilité et autorité en créant l’imprévisible.
Les systèmes dictatoriaux ont besoin que le peuple réagisse de façon prévisible. Pour les mêmes raisons, ces structures de pouvoir suppriment aussi l’amusement. Et le sexe : dans l’histoire, tous les régimes autoritaires, des religions aux armées, ont tenté de contrôler et de supprimer les énergies sexuelles de l’homme d’une façon ou d’une autre.
Il est certain que la technologie mentale peut être une source puissante de nouvelles informations dans le monde. Et si les machines mentales ne peuvent pas vous transformer automatiquement en personne meilleure comme l’a observé l’auteur de l’article du Yoga Journal, le sexe non plus. Mais ce n’est pas pour cela que je ferai abstinence. Simplement en nous reliant à nous et aux autres, ces machines peuvent nous donner accès à une foule infinie d’informations. Ça me semble amusant. Il est évident que les machines mentales (comme l’amusement et le sexe) constituent une menace pour les personnes en position de pouvoir qui aimeraient que le peuple se comporte de façon prévisible et qui aimeraient maintenir le statu quo. Elles sont aussi une menace pour les personnes qui ont investi beaucoup d’elles-mêmes et de leur vie dans le respect des doctrines, dogmes ou idéologies autoritaires. Tels que les fondamentalistes - chrétiens, musulmans, marxistes. Tels que ceux qui doivent respecter un programme Politiquement Correct qui condamne automatiquement l’inattendu, l’imprévisible, la nouveauté et l’inédit puisque, par nature, ils ne peuvent recevoir le cachet du Politiquement Correct. Et tels que les adeptes « illuminés » du New Age comme l’auteur du Yoga Journal qui a apparemment passé 20 ans à des pratiques méditatives, apprenant uniquement ce qu’on leur a dit d’apprendre, craignant d’expérimenter eux-mêmes la voie de l’éveil imprévisible du Bouddha rieur.
Source:
http://www.zenlatitudes.com/FR/BouddhaRieur.htm