Aujourd’hui ouverture d’une petite discussion sur les écrits et diverses traces qu’on peut laisser.
De façon générale et plus spécifiquement en ésotérisme il n’est pas rare de changer de paradigme (de manière de voir les choses) avec le temps.
De mon côté j’ai souvent écrit des notes, des débuts de livres et j’en passe.
Traces que j’efface habituellement après les avoir « achevées ».
Je pense que les idées sont souvent assez chaotiques et peu organisées.
Beaucoup de pratiquants, ne prennent pas le temps d’écrire leurs croyances du moment.
Ils ne peuvent pas écrire, ne sachant pas réellement en quoi ils croient.
Ils n’osent pas rendre publics leurs écrits, de peur que les avis parfois critiques déstabilisent les fondations de leur paradigme. L’effondrement d’un paradigme provoquant parfois la perte temporaire de sens ou du soi pour l’égo.
Ce qui est drôle, c’est qu’il n’est pas important de comprendre ni de croire en quelque chose de défini pour vivre la magie. Je dirais même que l’intuition, l’immersion dans la vie est très suffisante et que les concepts sont secondaires.
Les concepts sont une tentative du mental de rationaliser, expliquer et figer l’expérience vécue.
L’écriture est avant tout cet exercice, essayer de prendre une photo de ses croyances actuelles.
Exercice difficile car condamné à l’échec. Élaborer un paradigme sur une croyance, c’est oublier la partie non-rationnelle de notre expérience. Cela n’enlève rien à la valeur de cet exercice. Une fois l’écrit achevé, on s’y attache parfois fortement. L’écrit incarne le désir d’aboutissement de la pratique. C’est-à-dire d'avoir atteint la vérité finale de notre chemin spirituel.
Souvent on écrit pour se convaincre qu’on est enfin arrivé au bout.
Lorsqu’on achève un tel écrit, on a tendance à trop s’y attacher. Nous pensons que l’écrit nous défini et défini nos croyances. Notre paradigme devient donc figé. On commence à nous enfermer dans un personnage, qui devient peu à peu en décalage avec le soi présent et instable.
Je me vois plus comme une rivière, un processus, un ensemble de matière, d’énergies et de pensées en mouvement perpétuel. Rien de stable sur quoi fonder un soi durable et encore moins un paradigme cohérent. Si bien que celui que je suis change d’instant en instant et ses croyances aussi. Écrire et croire en ses textes comme des concepts aboutis, c’est essayer d’établir une stabilité là où c’est impossible.
Dans le Tchouang-tseu (ou Zhuangzi) taoïste il est dit :
« Les formules qui remplissent les livres n’expriment que des idées conventionnelles, lesquelles répondent peu ou pas à la nature des choses, à la vérité. »
« L’homme se trompe en cherchant dans les livres des vérités ; ils ne contiennent que des idées truquées »
IVe siècle avant J.-C.
Dans les auteurs ésotériques célèbres, je pense notamment à Agrippa, ou encore aux auteurs Cahotes. Il est très fréquent que leur paradigme et leurs croyances changent au cours de leur vie (et parfois finissent par rejeter leurs croyances initiales). À l’inverse, les livres écrits à un instant de leur vie restent tels quels, figés. Comme des photos mortes d’un paradigme passé.
Avant les traditions étaient orales, elles pouvaient ainsi s’adapter et s’actualiser au fil des transmissions. L’écrit a commencé à figer cette flexibilité, et on connait aujourd’hui les dégâts causés par l’interprétation hors contexte d’écrits religieux.
On a écrit pour éviter que les gens déforment l’idée initiale, mais ce n’est pas l’idée qui est importante. Ce qui est important c’est d’apprendre à concevoir ses idées.
Les taoïstes et d’autres ont vite compris la contre-nature que représentaient les écrits. Le Tao te king par exemple n’a pas été écrit par un taoïste, mais dicté. On a demandé a un taoïste de ne pas partir sans laisser une trace.
Plus tard une religion officielle taoïste est née qui n’a rien à voir avec la philosophie taoïste initiale.
Ils ont eu besoin de construire et figer les choses pour bâtir une religion et ont donc écrit.
Il en est de même pour le Bouddhisme, au départ il n’y que les discours oraux de bouddha. Les discours de bouddha n’étaient pas faits pour être écrits. Son dernier discours avant de mourir était de remettre en question ces discours et de les exposer à sa propre expérience de vie. Il a dû se rendre compte que son mouvement lui avait échappé. Beaucoup de personnes se retrouvent piégées dans la mise en mouvement de leur croyance initiale. Cela aboutit rapidement à des sectes, où le gourou devient aussi victime des espérances de ces fidèles.
Certaines traditions ont mit en place le fameux duo texte et maître/élève avec les dérives incalculables qu’on connaît. Cela devait apporter le recul nécessaire à l’étude d’écrits et la dimension pratique. Les maîtres étant humains, les vices se développent assez rapidement dans ce genre de relation. À ce jour, la relation maître/élève me semble d’une dangerosité infinie. Je ne recommande à personne de se mettre en quête d’un maître ou d’un groupe. À mon sens la voie doit être solitaire.
Les écrits, ne sont donc pas la source du problème. Le danger vient de considérer les écrits comme « paroles d’Evangile ». Les écrits ne sont que des tentatives de mise à plat d’un instantané de l’esprit d’un homme. L’écrivain essayant souvent de donner (et de se convaincre) qu’une logique, qu’un système peut organiser ces croyances. En cela ce ne sont que des idées truquées qui sont forcément en décalage complet avec une éventuelle vérité absolue.
Ainsi je considère les écrits pour ce qu’ils sont, avec une utilité assez réduite.
Je n’ai pas encore résolu la question : faut-il garder ou non les écrits qu’on peut réaliser ?
J’ai détruit tout ce que j’ai pu rédiger, et je profite de l’ouverture du forum pour écrire à nouveau.
Je me dis que pour soi c’est utile et drôle parfois mais c’est peut-être laisser un obstacle à un futur lecteur malavisé.
On peut se perdre dans les livres, pour finalement se noyer dans les idées et les théories sans jamais rien vivre ou expérimenter par soi-même. Dans certains mouvements Bouddhiste-Zen comme dans le Taoïsme on estime que la vie quotidienne est bien plus porteuse de connaissance et vérité que les textes. Le fameux Dharma bouddhiste.
Des pistes :
Et s'il suffisait de ne laisser aucune trace et de faire confiance au Tao, Source, Dharma, Dieu (ce que vous voulez) pour se dévoiler aux hommes par lui-même ? Autant de visions de cette source que d’hommes.
Relire ses écrits des années après et se dire qu’on a écrit une belle collection de conneries.
Toujours ce doute interne, effacer ses traces ou en laisser ? Mystère.
Et vous en pensez quoi ?
Re-lectures et corrections par Le Pautrain -- Merci ! [note – ébauche en cours, d’énormes fautes d’orthographes en cours de correction]
[Ne t'en préoccupe plus pour ce message, je m'en suis chargé ! - Le Pautrain]