J’ai lu sur la Toile, comme on peut s’en douter, beaucoup de choses sur les panthéons en ésotérisme. Cet aspect de la « magie » revêt pour certains praticiens une grande importance ; aussi veux-je aujourd’hui y ajouter mon grain de sel, en tâchant d’expliquer la notion telle que je crois l’avoir comprise chez nos confrères ésotéristes, et enfin telle que je l’applique dans m pratique de tous les jours.
Pour commencer, un rapide rappel de ce que signifie le mot panthéon : se référant d’abord à un temple dans la Grèce Antique, il désigne davantage aujourd’hui, par métonymie, l’ensemble des dieux et déesses d’une culture donnée. On parle de panthéon grec, égyptien…
Dans la mesure où notre pratique ésotérique nous amène parfois (« parfois »…) à côtoyer des êtres de statures divines, et ne serait-ce que par pur souci d’étude, de respect envers les Entités avec qui l’on veut traiter – sans parler de la plus élémentaire des prudences – on comprend aisément que l’on fasse si grand cas des panthéons dans notre milieu. Mais l’usage ésotérique de la notion dépasse son cadre traditionnel.
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« Traditionnel ». Comprenez-moi bien quand je dis cela : j’entends « ordinaire », pour une société qui n’hésite pas à stigmatiser la pratique magique. En réalité, le plus avant-gardiste des adeptes de la Magie du Chaos est « traditionnaliste » en comparaison de la majorité des personnes qu’il nous sera donné d’interroger sur le sujet. Il y a une différence entre étudier les traditions occultes à travers le monde pour n’en garder que ce qui nous plaît et tout rejeter en bloc sans y accorder un regard sous prétexte que ce ne sont que « des histoires de grands-mères ». Enfin bref, vous avez compris le concept.
Ainsi, l’usage ésotérique de la notion de panthéon dépasse le cadre habituel de cette dernière. Je me référerais à ce phénomène en utilisant le terme de « panthéon personnel », ou « Panthéon », avec une majuscule, pour bien signifier qu’ici nous parlons d’ésotérisme.
1 - Ce qui choque, chez l’ésotériste moderne, c’est son goût pour le mélange. Grâce à la littérature et à la Toile, le savoir est bien plus facile d’accès qu’il ne l’était auparavant, ne serait-ce qu’au temps de certains praticiens célèbres, comme Arnaud Thuly. Le praticien d’aujourd’hui s’affranchit donc de la « limite » culturelle (n’y voyez aucune offense, c’est une expression) pour se rapprocher des dieux qui semblent lui mieux convenir. Il m’a par exemple été donné d’échanger avec une praticienne dont le panthéon personnel comportait des dieux nordiques aussi bien que grecs. Une autre connaissait bien les grecs et y ajoutaient volontiers des éléments de mythologie mexicaine. Quel mélange ! Mais si nous restons entre déités, il n’y a pas de problème, alors ?
C’est là que le bât blesse. Le Panthéon ne se limite plus aux dieux et déesses ; il englobe souvent tous les types d’Entités, sans distinctions. Des Anges, des Démons, des
kamis, des esprits du foyer… Pour s’affranchir d’une règle de plus, les ésotéristes plaident souvent que les notions de « dieux », « démons » et autres tentatives de catégorisation d’Entités sont rendues caduques par la plus légère des études à leur sujet. Pour eux, ces termes ne sont que des tentatives humaines, donc imparfaites et limitées, visant à faciliter notre préhension d’êtres dont la nature réelle nous échappe totalement. Pour d’autres, il s’agit simplement de faire ce qu’ils veulent, quand ils le veulent ; jusqu’à un certain point, ils n’ont pas tort là-dessus… Pour rajouter à la confusion, certains praticiens, comme votre serviteur, tiennent leur Dieu unique de religion monothéiste en dehors de leur panthéon !
2 - Eh, mais justement ! Que faire d’une Entité placée dans un panthéon personnel ? Si Osiris occupe la première place du Panthéon d’un ésotériste – si tant est qu’il y en ait une – ce dernier doit-il lui vouer un culte ? Ou, à tout le moins, s’attendre à ce que le dieu Égyptien soit son juge, une fois passé de vie à trépas ?
Pas le moins du monde ! La Panthéon, nouvelle entorse faite à l’expression originelle, n’a rien d’une religion.
Entendons-nous bien : ceci n’a rien d’un paradoxe. Beaucoup de personnes extérieures à l’ésotérisme, voire de nouveaux praticiens, sont impressionnés par la grande – comment dirais-je ? –
intensité de la pratique ésotérique ; ils sont alors portés à croire que tout est ou tout blanc, ou tout noir. Ce cliché est tenace, mais en réalité, l’ésotérisme est un monde de subtilités et, surtout, de
nuances. Petite démonstration.
Les Entités d’un Panthéon sont-elles l’objet d’un culte religieux ? Non, pas forcément. Parfois oui, parfois non. Dans l’écrasante majorité des cas qu’il m’a été donné de voir, pas du tout.
Les Entités constituant un Panthéon sont-elles l’objet d’une dévotion particulière de la part de l’ésotériste ?
=> Bien sûr que oui ! D’une dévotion parfois même très fervente, ou très codifiée, ou très amicale, etc.
Mais ces dieux-que-vous-n’adorez-pas-tout-à-fait, vous leur adressez tout de même des prières ?
=> Mais tout à fait. Rappelons que la prière peut être « une demande instante et humble pour demander à quelqu’un de nous accorder une faveur, une aide ». Dites-vous que votre voiture vient d’avoir un accident et que vous avez besoin de l’aide de quelqu’un pour la réparer. Vous allez faire appel à un garagiste, pas à un teinturier. Eh bien, le choix des prières à adresser aux Entités d’un Panthéon s’effectue sur le même principe. Les « offrandes », diverses et variées, tiennent lieu de paiement.
Vous l’aurez compris, il faut se libérer de l’idée monothéiste typiquement chrétienne, musulmane et juive, qui prédomine aujourd’hui en Occident.
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Ou plutôt, dans le cas de la chrétienté, il faudrait de toute urgence renouer avec l’itération moyenâgeuse de ce courant religieux, qui acceptait tout à fait la présence des esprits, ainsi que les petites offrandes faites à leur intention. Bon sang, croyez-vous vraiment que le paysan gallo-romain, dépendant des fruits de la terre, allait abandonner d’un claquement de doigts ses petites offrandes aux esprits ? Et les druides devenus moines, parlons-en ! Ah, je m’égare… Mais ce que les dérives de la Renaissance nous ont coûté cher !
Attendez, ce n’est pas tout. Le panthéon personnel est donc un ensemble d’Entités, même pas « d’essence divine » selon la tradition, qui ne sont ni adorées, ni les dispensatrices d’une juste rétribution de nos bonnes et mauvaises actions après la mort, que nous pouvons prier, ou non, tirées de n’importe quelle culture à travers le globe, qui peuvent se contredire entre elles…
3 - … vous suivez toujours ? Eh bien, un Panthéon, d’après certains praticiens, peut aussi inclure des êtres humains bien vivants ! Des compagnons de route sur le chemin de la vie, qui se sont illustrés par leurs qualités et leurs intentions à notre égard, et dont les actes restent pour toujours gravés dans notre mémoire. Encore une fois, ici, pas d’adoration, mais une sympathie particulière. Le but est de rendre un juste hommage, du type « sans lui, jamais je ne serais parvenu où je suis aujourd’hui ». Dans des cas plus particuliers, un lien spirituel, « magique » peut se nouer entre ce personnage et le praticien ; bien évidemment, c’est une nouvelle particularité de l’ésotérisme, qui semblera bien farfelue à qui n’y est pas habituée.
Voilà pour le petit tour d’horizon de la notion de panthéon personnel telle que je l’ai comprise au fil de mes rencontres et de mes lectures. Bien sûr, je ne donne pas de recette miracle, ici : libre à chacun de faire ce que bon lui semble en la matière ! C’est une affaire de sensibilité personnelle, comme pour beaucoup d’aspect de l’ésotérisme.
En parlant de sensibilité personnelle, je me suis, début octobre, décidé qu’il était temps pour moi d’officialiser et de clarifier quelque peu mes relations avec diverses Entités qui ne cessent d’exercer une influence dans ma vie. Quoi de me mieux que de regarder ma situation au spectre de mon exposé ci-avant ?
Si je devais constituer un panthéon personnel, il comporterait deux figures. Ce sont les deux qui me viennent immédiatement à l’esprit, dont je ne saurais pas me passer.
La première est une figure bien connue de tous, y compris des non-croyants : il s’agit de la Vierge Marie. Me contredirai-je ? Certes non ! J’ai écrit plus haut tenir
Dieu à l’écart de mon Panthéon, mais pas la plus parfaite de Ses créatures ! Je ne joue pas sur les mots : c’est pour moi le résultat d’une longue réflexion, qui s’est étalée sur plusieurs longues années. Pour beaucoup de personnes (dans mon entourage, notamment), placer la Sainte Vierge dans un panthéon ésotérique confine au blasphème. Pour moi, il n’en est rien : je le répète et le répéterai autant qu’il faudra, mais pratique religieuse et ésotérique ne sont pas antinomiques ! La présence de la Vierge en mon Panthéon est l’une des plus grandes preuves de respect et d’affection que je puisse lui faire, en plus de marteler la philosophie qui m’a valu quelques moments difficiles, dans ma jeunesse : je suis catholique jusqu’au bout de l’âme ET ésotérique. Point. Barre.
La deuxième Entité que je ne saurais oublier quand j’en viens à la notion de panthéon personnel est une autre Entité très célèbre. Il s’agit de Lilith !
Ce que beaucoup de mes proches me disent, c’est que mon panthéon n’a aucun bon sang de sens. D’un côté, nous avons la pureté et l’obéissance portées à des degrés héroïques ; de l’autre, l’affirmation de son individualité à n’importe quel prix, jusqu’à la violence, ainsi qu’un terrible bagage littéraire en la personnification en tant que la « Grande Prostituée » (quoique cela soit sujet à débat, je vous l’accorde).
Mais alors, grand(s) dieu(x), qu’ai-je derrière la tête pour soutenir sans faillir que cela me semble normal que ces deux figures soient à la base de mon Panthéon ?
Un seul mot : Isis.
Je m’explique.
Voyez-vous, Isis est l’une de ces rares déesses purement bénéfiques dont le culte a toujours joui d’un grand prestige, non seulement en Égypte, mais également dans tout le bassin méditerranéen. Pour vous donner un exemple, il y avait un temple d’Isis à Rome (cela ne vous étonnera peut-être pas… mais bon, il n’y avait pas de temple de Taranis là-bas, à ce que j’en sais !). Mieux encore, cette religion n’était pas seulement puissante par la richesse et la force de ses prêtres, mais aussi et surtout par le grand amour que lui portait le peuple, même pauvre. En un sens, une déesse de l’empathie, de la bienfaisance et de l’amour maternel, qui a les oreilles du terrible Osiris et la réputation d’aider les faibles et les démunis… Je ne vous fais pas de dessin.
Arrive le christianisme des tous premiers jours. Très tôt, une dévotion particulière se développe autour de la figure de la Vierge Marie, mère du Christ, et, COÏENCIDENCE, ses attributs correspondent tant à ceux d’Isis que les missionnaires du premier temps encouragent le syncrétisme, le fondu harmonieux d’Isis en Marie de Nazareth.
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Fusion de différents cultes ou de doctrines religieuses, tout particulièrement dans une tentative de conciliation des différentes croyances en une nouvelle qui en ferait la synthèse.
Cette méthode de propagation de la foi connaît un succès rapide. Dans certains lieux de culte, la statue d’Isis a servi telle quelle aux dévotions des fidèles chrétiens ! En quelque sorte, Marie n’a eu besoin que de se glisser dans les chaussons d’Isis, si je puis dire.
L’influence d’Isis est un sujet bien trop vaste pour être détaillé dans ce Sujet, mais je peux simplement dire que son influence n’a jamais vraiment disparue, reliée à la Vierge chrétienne, ou non.
Au XIXe siècle, la naissance de la « Haute-Magie », teintée de chrétienté, remet la figure d’Isis/Marie sur le devant de la scène, le symbole devenant si fort qu’il se substantive parfois. Par exemple, Éliphas Lévi parle de « l’Isis du rituel » pour faire référence à la maîtresse de cérémonie… et le savoir symbolique que le praticien ésotérique obtiendra par l’étude.
Cette dernière interprétation symbolique de l’Isis n’est pas sans rappeler certaines interprétations cabalistiques, où l’on retrouve bien une « Isis » ayant le même symbole (en tout cas, dans ce que j’en ai lu).
Mais cette Isis cabalistique a une contrepartie, une face sombre, comme toute chose. Je vous laisse deviner. Oui, je fais bien référence à Lilith, dont l’un des surnoms est carrément l’Isis Noire !
Une camarade de M&M me demandait récemment pourquoi Lilith avait une réputation de Guide et de maîtresse d’études ésotériques. Cela vient de là, tout simplement. Sans parler de sa légende, où un Ange déchue la surnomme « Celle-Qui-Sait » en l’honneur de son immense savoir.
Voilà !
Pour finir, je pourrai me la jouer un peu pompeux, en rappelant une règle qui se vérifie souvent (tout le temps ?) en ésotérisme, comme quoi « les pôles opposés sont de nature identique mais ont des degrés différents », ou que « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas », etc. Mais je me contenterai de rester sur cette prétérition et de donner une petite anecdote sur la formation de mon Panthéon !
Étant enfant, j’eus une prémonition. J’en avais beaucoup, étant jeune. Elle disait nettement « qu’une femme voilée aurait une influence considérable sur ma vie ». Je vous laisse chercher le surnom le plus populaire de la déesse Isis.
Comme quoi, le destin fait bien les choses…
Et vous, comment considérez-vous votre panthéon personnel ? Si tant est que vous ayez lu jusqu’à la fin, ah ah !
Pavé César, salut !